Les énormités de Natacha Polony

Le procureur Poliny
Le procureur Poliny

Samedi 24 septembre 2011, Ségolène Royal était l’invitée de l’émission « On n’est pas couché ». Ce fut l’occasion pour les deux nouvelles recrues de Laurent Ruquier – Natacha Polony et Audrey Pulvar – de croiser le fer avec la candidate socialiste.

Je ne vais pas revenir sur Audrey Pulvar-Montebourg dont j’ai déjà parlé il y a trois jours à peine.

 

Non, je voudrais plutôt m’attacher à vous livrer cette fois mon sentiment sur la prestation de Natacha Polony qui, à mon sens, s’est laissée emporter à la fois par sa condescendance naturelle et son goût incontrôlé de la polémique pour dire – sur un ton péremptoire, voire comminatoire à certains instants – de nombreuses énormités.

Parmi ces énormités, j’en retiendrai deux.

 

La première énormité, c’est lorsque la journaliste du Figaro, à la suite d’Audrey Pulvar-Montebourg d’ailleurs, a cru faire un trait d’esprit en accusant Ségolène Royal de faire du sarkozysme. Bigre !

 

A en croire la polémiste du plus grand quotidien de droite, il faudrait implicitement en déduire que Ségolène Royal cautionne non seulement tous les désordres qui permettent aux forts d’écraser les faibles mais aussi la politique de Nicolas Sarkozy qui n’a eu de cesse de dresser les gens les uns contre les autres et de valoriser les uns pour mieux stigmatiser les autres : les vieux contre les jeunes, les riches contre les pauvres, l’élite contre le peuple, les Français contre les immigrés, les patrons contre les salariés, les salariés contre les précaires et les chômeurs, les salariés du privé contre les salariés du public et les fonctionnaires, les centres-villes contre les banlieues, les territoires riches contre les territoires pauvres, les urbains contre les ruraux, les hommes contre les femmes, etc.

 

Parler d’ordre, d’autorité, de droits et de devoirs, de respect de la République serait donc une marque déposée de droite et plus particulièrement un champ réservé du sarkozysme. Ce qui, évidemment, est d’une absurdité consternante.

 

Natacha Polony, bien entendu, s’est gardée de souligner que Ségolène Royal défendait des idées aux antipodes de l’actuel président de la République : ordre juste, démocratie participative, égalité des chances, emploi et lutte contre le chômage, efficacité économique, sécurité, éducation, solidarité entre les générations, non cumul des mandats, primaires ouvertes, ouverture aux autres, respect de la Nation et des personnes dépositaires de l’autorité publique, Laïcité, etc.

 

Ces thèmes, convenons-en, ne sont pas très éloignés de ceux défendus par Jean-Pierre Chevènement, l’ancien mentor de Natacha Polony du temps où celle-ci tentait péniblement de faire une carrière politique au sein du Pôle Républicain au début des années 2000.

Cela fait-il pour autant de Chevènement un sarkozyste ? Evidemment pas.

 

J’imagine que Natacha Polony n’aurait pas utilisé à son égard une étiquette aussi grotesque. Mais la dame n’a pas ce genre de prévention à l’égard de Ségolène Royal. Elle doit en effet justifier les 1400 €qu’elle perçoit à chaque émission. Et donc, elle tape sans vergogne sur le mode « plus c’est gros, plus ça passe. »

 

La deuxième énormité a été ses considérations sur la « circulaire Royal » du 26 août 1997, cosignée, rappelons-le, par Claude Allègre, son ministre tutelle de l’époque, qui, comme chacun sait, est l’un des plus grands fans de la présidente de la région Poitou-Charentes. Cette circulaire a pour objectif de délivrer des instructions aux chefs d’établissement concernant les violences sexuelles.

Au prix d’un raccourci saisissant, voire injurieux, Natacha Polony a laissé clairement entendre que Ségolène Royal avait indirectement une part de responsabilité dans les suicides de professeurs injustement mis en cause dans des affaires de moeurs. « Ce sont des polémiques abjectes » lui a rétorqué Ségolène Royal.

 

En effet, Natacha Polony s’est bien gardée de rappeler que ladite circulaire invite les chefs d’établissement à faire preuve de prudence et de discernement pour laisser aux rumeurs le moins de prises possibles (rumeurs souvent amplifiée par le retentissement médiatique donnée à certaines affaires de moeurs) :

 

« La communauté scolaire dans laquelle se répand une rumeur – dont la caractéristique essentielle est d’être invérifiable – ou des témoignages indirects, ne peut gérer une telle situation sans des risques majeurs de dérapage. La rumeur peut en effet s’alimenter d’elle-même, au rythme de ragots colportés par des esprits plus ou moins bien intentionnés. C’est un type de situation de laquelle un chef d’établissement doit s’extraire au plus vite [...]   Dans ces différents types de situation, il convient d’adopter la même attitude : agir vite mais en faisant preuve de discernement. Il est nécessaire d’alerter immédiatement l’inspection académique laquelle, en liaison avec le rectorat, arrêtera les mesures à prendre… Dès lors que les éléments portés à la connaissance des inspecteurs apparaissent cohérents, il convient d’aviser immédiatement et selon les mêmes modalités, le procureur de la République et de prendre la mesure administrative appropriée, en liaison avec la Justice. »

 

Selon cette instruction ministérielle, il appartient à la justice et à personne d’autre d’apprécier le bien-fondé d’une accusation. «Afin d’éviter les polémiques inutiles sur l’éventuelle inertie de l’administration», l’éducation nationale a jugé souhaitable que l’enseignant soit suspendu, au plus tard après sa mise en examen (prononcée, faut-il le rappeler, par un juge d’instruction). Mais cette suspension revêt un caractère conservatoire, dans le respect de la présomption d’innocence, car les pouvoirs publics sont conscients du caractère gravement traumatisant d’une telle mesure pour la personne qui en fait l’objet.

 

Il est difficile, me semble-t-il, de trouver une rédaction plus mesurée, même s’il y a pu avoir hélas de fausses accusations aboutissant malheureusement parfois à des drames. Mais des affaires de moeurs avérées ont aussi existé et il en surviendra à l’avenir.

Qu’aurait-on dit si les pouvoirs publics avaient fait preuve d’inertie dans ce domaine ?

 

Qu’aurait-on dit si on avait érigé la rétention d’informations en règle implicite au sein de l’Education Nationale, comme ce fut le cas pendant des décennies dans l’Eglise catholique apostolique et romaine (qui, elle aussi, est un mastodonte administratif) ?

Madame Polony aurait pris la pose en critiquant le laxisme de l’Education Nationale et l’impéritie de l’Etat.

 

Ségolène Royal
Ségolène Royal

Et peu importe pour elle de savoir d’ailleurs si le taux élevé de suicides dans l’Education Nationale (39 pour 100.000 selon l’INSERM) a des causes multifactorielles et résulte aussi d’une accumulation de contraintes diverses qui ne sont assurément pas réductibles à de fausses accusations en matière de moeurs (histoires personnelles compliquées, suppressions de postes, accroissement du surmenage, de la charge de travail, de la paperasserie, des successions de réformes, des classes surchargées, dénigrement du métier, classes difficiles, suppression de l’année de formation des jeunes professeurs, etc.).

 

Peu importe aussi pour elle de parler de l’action de Ségolène Royal dans le domaine de l’éducation. Je rappellerai donc que Ségolène Royal, durant son mandat de ministre déléguée à l’enseignement scolaire (1997-2000), s’est attachée à l’aide aux enfants défavorisés ou en difficultés scolaires avec la relance des zones d’éducation prioritaire, la création de fonds sociaux pour les élèves (comme le fonds social pour les cantines scolaires), la création des heures de soutien scolaire ou encore la création des classes et des premiers internats-relais, le contrat éducatif local et les itinéraires de découverte au collège, la lutte contre le bizutage,  la revalorisation du rôle des infirmières scolaires ou encore l’accès gratuit à la pilule du lendemain dans les lycées.

 

Bref, le genre de choses qui n’intéresse pas Natacha Polony.

 

Qu’on me comprenne bien : je ne suis pas en train de dire que la circulaire dont j’ai parlé est parfaite, exempte de tout reproche, et qu’il n’y a aucun moyen de l’améliorer. Je dis simplement que si cette circulaire était aussi monstrueuse et aberrante que le dit Natacha Polony, j’aimerais alors qu’on m’explique pourquoi Jack Lang, Luc Ferry, François Fillon, Gilles de Robien, Xavier Darcos et Luc Chatel n’ont pas jugé bon de la supprimer purement et simplement.

 

Comme le disait Pierre Mendès-France à la tribune de l’Assemblée nationale en 1954 :« Gouverner, c’est choisir. » Or, faire des choix, c’est sérier les priorités afin de changer concrètement les choses et apporter des solutions aux problèmes auxquels la société est confrontée au quotidien pendant que d’autres se perdent dans les abstractions et les incantations velléitaires (« Y a qu’à, faut qu’on »).

 

C’est prendre le risque de commettre des erreurs, mais c’est aussi prendre le risque de changer les habitudes et c’est aussi le bonheur de mettre en oeuvre des réformes que l’on croit utiles et justes pour le pays.

C’est avoir la constance de ses idées et ne pas s’effacer aux premières difficultés que l’on rencontre en chemin.

Bref, c’est faire le contraire de Madame Natacha Polony qui rumine depuis une dizaine d’années maintenant son passage éclair et désenchanté à l’Education Nationale et samonumentale rouste aux législatives de 2002 dans la 9ème circonscription de Paris.

Il est sans doute plus facile pour elle de tenir salon sur les plateaux de télévision.

 

Tiens, une fois n’est pas coutume, je vais citer Lionel Jospin (Le Monde comme je le vois, 2005) :

 

« Ceux qui n’assument aucune responsabilité politique et décrètent que le pouvoir ne sert à rien ne peuvent s’instaurer tuteurs ou juges. Le jeu démocratique loyal veut qu’on aille se battre sur tout le terrain, non qu’on reste assis dans les tribunes pour siffler les joueurs. »

 

 (Source : Article pris sur Le blog de Gabale)

 

 


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